Hervé Tullet : « Un dessin n’existe que s’il est soutenu par une idée. »

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Hervé Tullet, plasticien et auteur-illustrateur.

Hervé Tullet est un auteur qui joue avec son lecteur. Son maître-mot : interactivité.

Que ce soit « Turlututu » dans le magazine Tralalire ou bien ses différents et nombreux ouvrages, tels que Batailles de couleur, le point commun est de faire intervenir le lecteur en le mettant en position de créateur. Rencontre avec un auteur qui produit dans les écoles de sacrés électrochocs.


Vous allez souvent dans les établissements scolaires, qu’y faites-vous donc ?

Ce que j’aime, c’est vivre des expériences différentes. Alors j’accepte des rencontres aussi bien avec des maternelles, des primaires que des collèges. Du moment que nous disposons de temps ensemble pour monter une aventure. Après la première rencontre, je sème quelques idées et je reviens pour voir ce que tout cela va donner. Je ne la joue pas dans le style « le grand illustrateur qui débarque dans une école et qui répond à des questions ». D’abord ce sont souvent des questions sans intérêt. Un peu comme si vous rencontriez Nelson Mandela et que vous lui demandiez : « Alors, c’est comment l’Afrique du Sud ? » Ensuite, ce qui m’intéresse, c’est d’arriver sans a priori et de me surprendre moi-même. Que nous soyons dans un acte de création artistique collective.


Concrètement, comment faites-vous travailler les enfants ?

Jamais de la même manière. Cela dépend de ce que je ressens. Cela dépend de la personnalité de l’enseignant qui m’accueille et de la confiance qu’il me fait. Mais je mets toujours les enfants en position d’acteurs. Il y a pour commencer les lectures interactives de mes livres bien sûr, qui génèrent le dialogue et puis après, on part. Je vais proposer quelque chose qui va les déstabiliser, les provoquer et de là va naître une idée, on va bosser.


Un exemple d’intervention ?

Je peux commencer par faire un gribouillage. Ils sont déçus, désespérés. C’est pas beau, c’est juste un gribouillage. Et on va imaginer ensemble comment sauver ce gribouillage, qu’est-ce qu’il peut devenir. Ils vont peu à peu sortir d’eux-mêmes, une vraie dynamique de jeu se crée et ils se retrouvent face au plaisir de créer. Ou bien je leur fais démarrer un grand dessin collectif. Ils sont 25 à tourner autour d’une feuille. Ils font des ronds. Je les fais changer de place, je les perds,je libère leur geste, je les pousse à continuer. Et à un moment, paf, cela devient un champ de fleurs et tout le monde termine en dessinant des tiges, des pétales, etc.


De quels apprentissages s’agit-il ?

Je ne sais pas et je ne veux pas le savoir ! Ça, c’est le travail des enseignants. Moi je mêle spontanéité et exigence. Et je libère leurs représentations de ce que dessiner veut dire. Pour moi, un dessin n’existe que quand il est soutenu par une idée. C’est cela qui compte. C’est cela que je veux qu’ils ressentent.


Aimez-vous ces rencontres ?

J’adore aller dans les écoles parce que chaque lecture est différente. J’ai appris à lire mes livres devant les enfants. Ce qui est formidable, c’est qu’ils découvrent qu’en tournant la page, il se passe quelque chose de magique. Et pour moi, c’est cela le livre, c’est magique.

Propos recueillis par Murielle Szac
  •  À écouter : une interview d’Hervé Tullet pour Les Histoires sans fin.com
« Un dessin n’existe que quand il est soutenu par une idée. »